La Haute juridiction, dans sa décision du 4 mars dernier vient, à nouveau, de souligner l’importance de l’immeuble en tant que critère de rattachement, en droit international privé.
Le créancier d’une indivision avait usé, devant un tribunal Français, de son droit de provoquer le partage – article 815-17 du Code civil- pour être payé de sa dette en assignant, en France, des époux résidents en Algérie. Le bien indivis était un immeuble situé en France. Ce partage judiciaire d’un bien indivis soulevait la question du tribunal compétent en l’absence de toute convention internationale entre la France et l’Algérie.
Deux choix s’offraient aux magistrats.
L’action du créancier est recevable en France et le tribunal saisi compétent en raison de la situation de l’immeuble en France. Ce fut la solution adoptée par la Cour de cassation.
L’action du créancier doit se dérouler devant les tribunaux algériens par extension à l’ordre international de la règle de compétence interne. Celle-ci est l’article 1070 du Code de procédure civile et suppose la compétence du juge des affaires familiales du lieu de résidence de la famille. Ce lieu était situé, en l’espèce, en Algérie et ce fut le choix malheureux opéré par les juges du fond.
En effet, dans l’ordre international, en l’absence de règlement européen ou de convention internationale applicable, trancher un tel litige devient bysantin. Le seul principe applicable, est celui, de l’extension à l’ordre international des règles de compétence de droit interne, “sous réserves des adaptations justifiées par les nécessités particulières des relations internationales” – principes posés par l’arrêt Scheffel le 30 octobre 1962 et nuancés par la Première Chambre civile le 3 décembre 1985 – décision n° 84-11.209.
Il appartient donc aux magistrats de peser les enjeux en cause et de ne pas se limiter uniquement à l’extension à l’ordre international des règles de compétence interne. Cette question est d’importance : en droit international privé, c’est le tribunal compétent qui va se prononcer en fonction de sa règle de conflit pour trancher un litige – sauf clause d’élection de droit lorsque les parties en ont la possibilité.
La détermination de cette compétence est donc, dans l’ordre international, un gage de sécurité juridique pour les plaideurs.
La clé de voute du litige était l’immeuble, patrimoine indivis des époux qui, au terme du partage, donnerait au créancier la possibilité d’être payé sur l’actif partagé. Le créancier était Allemand, l’immeuble situé en France et les époux résidaient en Algérie. Réfutant la compétence du tribunal français, les juges du fond voient leur décision cassée par la Haute Juridiction. Cette dernière estime, que le litige devait se dérouler en France, pays du lieu de situation de l’actif allant servir à désintéresser le créancier poursuivant.
La finalité poursuivie par la Cour de cassation était d’assurer au créancier l’efficacité de son action.
C’est en France que la décision aura force exécutoire et c’est aussi en France que les voies d’exécution éventuelles seront utilisées. Tout autre raisonnement, aurait conduit le créancier à de sérieuses difficultés d’exécution : un fois le jugement algérien rendu, il aurait fallu obtenir l’exequatur de celui-ci pour lui donner force exécutoire en France avant d’entamer la moindre procédure sur l’actif immobilier.
C’est donc bien l’efficacité de l’action du créancier sur l’immeuble qui est au coeur de cette décision. On ne peut d’ailleurs que la saluer. Le pouvoir d’attraction de l’immeuble, centre de gravité de l’opération, a eu raison de l’article 1070 du code de procédure civile dont l’application aurait conduit à éloigner le litige de son “juge naturel”.
Cette décision du 4 mars 2020 est la première décision qui statue sur la question du partage d’un bien indivis en droit international privé en dehors de tout règlement ou convention internationale applicable.
Certes, une décision précédente – Cass. 1ère civ., 20 avril 2017, n° 16-16.983- s’était penchée sur cette question mais, en application de l’article 22, 1° du Règlement (CE) du Conseil n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commercial. Cette disposition, instaure parmi ses compétences exclusives, celle du tribunal du lieu de l’immeuble en “matière de droits réels immobiliers et de baux d’immeubles“. C’est ainsi que la Première Chambre Civile avait demandé au juge français de relever d’office son incompétence en faveur du juge espagnol, seul compétent dans un litige entre des résidents français, relatif à la propriété et au partage, d’un immeuble en indivision, situé en Espagne.
Cette décision du 4 mars 2020 le démontre à nouveau : retenir comme élément de rattachement, l’immeuble lorsque le litige porte sur des droits réels immobiliers est, en droit international privé, un gage d’efficacité et de prévisibilité. Si le juge compétent est celui du lieu de situation de l’immeuble, l’on peut penser que la lex rei sitae a encore de beaux jours devant elle.